Scorbut chez les enfants et adolescents : une hausse inquiétante depuis la pandémie

Le scorbut, maladie que l’on croyait reléguée au passé, connaît une recrudescence en France, chez les enfants et adolescents. Elle entraine de graves conséquences sur la santé. Quelles sont les causes de ce phénomène ? Comment y remédier ? Quels régimes adopter ? On fait le point.

C’est quoi le scorbut ?

Le scorbut est une maladie causée par un manque prolongé de vitamine C, également appelée acide ascorbique. Cette vitamine est essentielle au bon fonctionnement de l’organisme, notamment pour la production de collagène, une protéine indispensable à la formation et au maintien des tissus conjonctifs. Mais l’être humain ne peut pas synthétiser cette vitamine, il doit donc l’obtenir par son alimentation.

Quels sont les symptômes du scorbut ?

Une carence prolongée en vitamine C provoque :

• une fatigue importante accompagnée d’une sensation de faiblesse musculaire et articulaire
• des gencives gonflées, violacées et qui saignent facilement
• une peau sèche, rugueuse, avec parfois une hyperkératose folliculaire et des ecchymoses et hématomes sans traumatisme apparent
• des saignements sous-cutanés, saignements nasaux, ou la présence de sang dans les urines ou les selles
• des douleurs des articulations
• des oedèmes des membres inférieurs
• des troubles de la cicatrisation
• une irritabilité et des troubles de l’humeur.

Qui sont les personnes touchées par le scorbut actuellement ?

Historiquement, le scorbut était fréquent chez les marins effectuant de longues traversées sans accès à des aliments frais mais aujourd’hui, il touche un nombre croissant d’enfants et d’adolescents.

Réalisée par des chercheurs français, une étude publiée en décembre 2024 dans la revue The Lancet Regional Health atteste une augmentation significative des cas de scorbut hospitalisés et de malnutrition sévère chez des enfants depuis le début de la pandémie de Covid.

Les cas de malnutrition sévère ont également augmenté significativement après cette pandémie en particulier chez les adolescents de 11 à 17 ans.

D’où vient cette recrudescence de scorbut ?

Les causes du scorbut sont liées à une alimentation pauvre en fruits et légumes frais, principales sources de vitamine C qui sont dues :

• à un changement des habitudes alimentaires

Les confinements et la fermeture des écoles ont bouleversé l’équilibre alimentaire des enfants. Les repas servis à la cantine, souvent plus riches en fruits et légumes, ont été remplacés par des alternatives moins nutritives à domicile. Par ailleurs, la consommation accrue d’aliments ultratransformés, pauvres en micro-nutriments essentiels, a aggravé ces déséquilibres.

• aux crises socio-économiques

Depuis 2020, la précarité a augmenté, exacerbée par la pandémie et l’inflation alimentaire. En 2023, les prix des produits alimentaires de base ont grimpé de 15 %, rendant les fruits et légumes frais moins accessibles pour les familles les plus modestes.

Les études réalisées ont également mis en évidence un lien entre l’incidence du scorbut et la situation socio-économique des ménages. Les familles confrontées à des difficultés financières sont davantage exposées au risque d’insécurité alimentaire, limitant l’accès à des aliments riches en vitamine C. Les enfants qui présentaient une légère malnutrition ont évolué vers une malnutrition plus sévère pendant la période du Covid.

Comment dépister le scorbut ?

Le dépistage du scorbut repose sur plusieurs éléments complémentaires. Le médecin va commencer par interroger le patient sur ses habitudes alimentaires, son mode de vie et ses antécédents médicaux. Puis, il va pratiquer un examen clinique pour retrouver les différents symptômes caractéristiques de la maladie.
Des examens complémentaires peuvent être nécessaires. Parmi eux, des radiographies, en particulier chez les enfants. Elles vont permettre de détecter d’éventuelles anomalies osseuses liées au scorbut. Les images peuvent révéler des signes spécifiques comme la ligne blanche de Fraenkel au niveau des métaphyses des os longs.
Un dosage sanguin de la vitamine C peut également être prescrit. Cette analyse, appelée ascorbémie, est réalisée dans un laboratoire de biologie médicale. Un taux sanguin de vitamine C inférieur à 2 mg/L (ou 11 μmol/L) est généralement considéré comme diagnostique du scorbut.
Il est important de noter que le prélèvement sanguin pour le dosage de la vitamine C nécessite des précautions particulières. La vitamine C étant très sensible à la lumière et à la chaleur, l’échantillon doit être prélevé dans un tube spécifique et rapidement analysé pour éviter toute dégradation.

Quel est le traitement du scorbut ?

Le traitement du scorbut repose sur la prise de vitamine C. La dose recommandée varie selon les sources, mais généralement, on préconise l’administration d’un gramme de vitamine C par jour, réparti en plusieurs prises.
Cette supplémentation peut se faire par voie orale dans la plupart des cas. Dans les situations graves ou en cas de troubles de l’absorption, une administration intraveineuse peut être nécessaire.

La réponse au traitement est généralement rapide et spectaculaire. Les premiers signes d’amélioration peuvent être observés en quelques jours. Les saignements gingivaux et les ecchymoses commencent à régresser en 24 à 48 heures. Les douleurs articulaires et la fatigue s’améliorent généralement en quelques jours. La guérison complète peut prendre plusieurs semaines, selon la sévérité initiale de la carence.

En parallèle de la supplémentation en vitamine C, il est essentiel de traiter les éventuelles complications ou carences associées. Une anémie concomitante pourra nécessiter une supplémentation en fer. Les infections secondaires, notamment au niveau buccal, devront être prises en charge de manière appropriée.

Comment éviter le scorbut ?

La prévention du scorbut passe par une alimentation équilibrée et riche en vitamine C. Les apports journaliers recommandés en vitamine C sont d’environ 110 mg pour un adulte âgé de 20 à 60 ans, et de 120 mg pour les personnes âgées.
Ces besoins peuvent être facilement couverts par une consommation régulière de fruits et légumes frais.
Parmi les aliments particulièrement riches en vitamine C :

• les agrumes : oranges, citrons, pamplemousses
• les fruits rouges : fraises, framboises, myrtilles
• les kiwis
• les poivrons
• le brocoli
• les choux de Bruxelles
• les épinards et autres légumes verts à feuilles…

Il est important de savoir que la vitamine C est sensible à la chaleur et à l’oxydation. Pour maximiser l’apport en vitamine C, il est préférable de consommer ces aliments crus ou légèrement cuits.
Dans certains cas, notamment chez les personnes à risque, personnes âgées, fumeurs, personnes suivant des régimes restrictifs…Une supplémentation préventive en vitamine C peut être envisagée sous contrôle médical.
Les auteurs de l’étude soulignent l'importance de mettre en place des programmes d'aide alimentaire ciblés et de renforcer la prévention et la détection précoce de ces carences nutritionnelles.

À retenir
Le scorbut dû à un manque de vitamine C connait une recrudescence en particulier chez les enfants et les adolescents. D’où l’importance d’adopter une alimentation équilibrée et riche en fruits et légumes frais pour éviter toutes carences qui peuvent entrainer de graves troubles.

Sources :
– Scurvy incidence trend among children hospitalised in France, 2015–2023: a population-based-interrupted time-series analysis. www.thelancet.com.
– Augmentation des cas de scorbut chez les enfants en France depuis la pandémie de COVID-19.www.aphp.fr.