Halvard Mabire, 4ème de la Route du Rhum - Destination Guadeloupe, catégorie Rhum Multi
Le Normand Halvard Mabire a franchi ce matin à 10 heures 15 (Française) la ligne d’arrivée à Pointe à Pitre de sa 5ème Route du Rhum. Il prend à bord de son grand catamaran GDD -Le Kraken, la 4ème place, dans la catégorie des multicoques Rhum Multi. Son temps de course est de 16 jours, 20 heures, 0 minutes et 26 secondes. Il a parcouru les 3 453 milles nautiques depuis Saint Malo à la vitesse moyenne de 8,8 noeuds. Il a en réalité parcouru sur le fond 4002,4 milles, à la moyenne de 9,9 noeuds.
Le marin de Barneville-Carterêt amène à bon port et sans encombre le grand catamaran course-croisière GDD, plan Barreau construit par Sam Marsaudon. Depuis le début de l’année, Halvard, toujours soutenu par sa compagne Miranda Merron avait pris en main ce bateau, l’optimisant en vue de cette grande classique transatlantique. Parti sans autre ambition que de « naviguer propre », au meilleur du potentiel du bateau, il aura durant toute l’épreuve figuré dans le peloton de tête d’un groupe riche au départ de 17 unités, trimarans et catamarans. Ce sont les catas du type de GDD qui triomphent, avec ce podium constitué hier par Loïc Escoffier (Gedigroupe) et les « papis flingueurs » de la course au large, Roland Jourdain (We explore) et Marc Guillemot (Metarom).
A 66 ans, Halvard est avec Philippe Poupon (68) et Francis Joyon (66) une des mémoires vivantes de l’épreuve, jamais rassasié de beaux morceaux de navigation, sur tous les supports, à une deux ou trois coques.
A noter qu’Halvard a effectivement parcouru sur le fond 4 002 milles pour rallier la Guadeloupe. Une route largement plus efficace que celles de ses prédécesseurs, Loïc Escoffier ayant parcouru 4 298 milles, Jourdain 4 166 et Guillemot 4 301 milles. Preuve si nécessaire du sens marin du Viking.
Les mots d'Halvard :
« Bon ben voilà, il semblerait que ce soit la dernière journée de large avant d'arriver sous le vent de la Guadeloupe cette nuit.
Après une nuit que l'on va qualifier de plutôt affreuse, englué que j'étais dans une immense zone de grains, pour certains en formation qui pompaient tout le vent, pour d'autres en train de cracher leur venin, cette journée qui devrait être la dernière au large, si tout va bien, est plutôt sympathique.
Quinze à vingt noeuds au portant, c'est toujours mieux qu'au près, et la mer, si elle reste désorganisée, a diminué en intensité. Donc GDD est gentiment poussé vers la Guadeloupe, avec quelques empannages tout de même, histoire de ne pas tomber dans la béatitude contemplative qui serait pourtant fort à propos en ce dernier jour de large.
Jusqu'au bout il va néanmoins falloir rester vigilant, car le ciel se charge et il est possible qu'il y ai quelques animations qui nous soient proposées pour la fin de la journée.
C'est pas mal fait quand même. Terminer sur une journée qui s'annonce pour l'instant pas mal (on verra comment elle se finira) laissera le souvenir qui donnera envie de revenir. Un petit coup de portant, un peu de soleil, une température clémente, il n'en faut pas plus pour lobotomiser un cerveau de marin (il faut dire aussi que c'est plutôt pas compliqué non plus un cerveau de marin) et faire oublier les vilains fronts, le ciré trempé que l'on ne peut pas quitter car à tout instant il peut y avoir urgence sur le pont, et tous les moments où on se demandait quand même si ce n'était pas un peu une drôle d'idée que de trouver du plaisir à se faire locher la tronche, pour pas un rond en plus.
La fin de course, lorsque l'on n'est pas premier, c'est à dire assez souvent quand même et quasiment toujours pour d'autres, prend une tournure un peu différente dès que les premiers ont franchi la ligne. Là on ne peut plus se dire "tant que la ligne n'est pas franchie...". C'est la réalité du classement qui vous saute à la gueule et qui vient un peu gâcher cette fin de traversée. C'est en tous cas ce que je ressents quand je suis en course.
Sans la course, on vivrait probablement les choses différemment.
Mais la Route du Rhum ayant la particularité que les remises des prix et les fêtes se fassent quand la majeur partie de la flotte est encore sur l'eau, qu'on a toujours l'impression qu'on loupe quelque chose. Pas agréable d'arriver en retard au buffet et qu'il n'y a plus que les restes, que les bonnes bouteilles ont déjà été sifflées depuis longtemps et qu'il ne reste plus que le "tout venant".
Et puis tous ceux qu'ont déjà fait la fête, ils ne vont peut-être pas la refaire pour chaque arrivée des retardataires. La plupart seront peut-être même repartis. Ce sont donc certainement des amis que l'on n'aura pas le plaisir de voir dans cette circonstance si unique qu'est l'arrivée d'une course, où tous ceux qui l'ont faite ont des choses à partager, et ils ne le font pour la plupart d'entre eux qu'à ce moment là. Un peu comme une transition, où on se lâche un dernier coup avant de reprendre sa vie de terrien, plus policée, plus contrôlée et où on s'ouvre moins aux autres.
Finalement, bien que l'on comprenne pourquoi, il y a un côté un peu mal poli que d'être "invité" sur un événement et de ne pas être attendu pour ouvrir le bal de clôture.
A bientôt - Halvard »